Albin de la Simone@La Source

            Petit à petit La Source à Fontaine est en train de réellement forger son identité dans l'agglomération. Misant sur une programmation mêlant habilement formations locales de qualité et  pointures nationales voire internationales ; tournant autour de la chanson française, de la pop rock ou de musiques plus intimistes, la petite salle de la banlieue semble  reprendre le flambeau d'une certaine salle du centre malheureusement disparue et dont le manque ne cesse de se faire sentir.

Avec Albin de la Simone au programme on ne peut douter de la qualité de la proposition entre textes ciselés, humour absurde et orchestrations classieuses mais avant le plat de résistance c'est avec une entrée pleine d'énergie et aux accents québécois que la soirée commence et de la meilleure des façons.

            Sarah Toussaint Léveillée fait partie de cette cohorte de chanteuses venue de la Belle Province (Lisa Leblanc, Klo Pelgag et la nouvelle venue Safia Nolin) mettant en avant des textes forts dans une langue souple et décomplexée mélange d'images aux couleurs vives, d'expressions pur érable, parfois d'anglais, le tout enrobé par un accent chantant amenant pour l'auditeur de la vieille Europe un petit goût d'exotisme francophone  revitalisant. Ajoutez à cela cette patte nord américaine mélange d'efficacité dans la composition et d'une tradition musicale forte où la musique trad / country / folk n'est pas juste une tendance musicale mais un substrat naturel et vous avez Sarah Toussaint Léveillé ! L'entrée en matière est plus qu'originale : 5 bonnes minutes à raconter l'accouchement de sa voisine du dessous dans une piscine avec tout le voisinage invité pour assister à l'événement le tout finissant sur une boutade en forme de pied de nez pour introduire son premier titre « Ta tempête ». C'est peut être la pire façon de commencer un concert mais ici ça marche ! Originalité, décontraction et talent en 1m60 d'énergie et de sourire. La suite confirme cette première bonne impression et l'on se dit que la jeune femme a la musique qui lui coule dans les veines tant tout semble aller de soi. Elle jongle avec une voix de velours tour à tour caressante pleine d’agilité, incluant de légers éléments beat box, des sifflements et autres petits bruits au hasard de son inspiration et toujours avec beaucoup de bon goût. Les arrangements font la part belle aux cordes avec un violon, un violoncelle et une contrebasse qui viennent donner un contre point classieux au jeu de guitare plutôt folk et dépouillé de la chanteuse. En une heure de set, entre reparties drôles, moments de grâce (« Dans mon cahier » joué à la contrebasse), c'est une artiste complète que l'on découvre avec bonheur et délectation. On ne cessera jamais de le répéter : « Il faut toujours venir voir les premières parties ! ».

            On nous avait prévenu à l'entrée : le concert d'Albin de la Simone ce soir serait un peu particulier l'artiste ayant souhaité se rapprocher le plus possible d'un concert purement acoustique toute perturbation sonore aussi minime soit-elle était à éviter. Et effectivement c'est sous un format minimaliste que se présente l'artiste avec pour seul amplification un léger micro sur sa voix et pour son piano électrique. Les autres musiciens qui l'accompagnent à savoir un ensemble de cordes qui s'occuperont également des choeurs et un guitariste percussionniste seront eux laissés en acoustique pur. Maniant avec une certaine maestria un ton décalé et badin sans se départir d'une atmosphère douce-amère, Albin de la Simone est un pur produit de ce que l'on peut appeler « la chanson française » dans le sens le plus noble du terme : il raconte des histoires plus qu'il ne les chante, la parole prend le pas sur la musique qui campe un décor en arrière plan sans jamais tenter de prendre le pas sur la narration. Dans ce contexte et au vu de l'atmosphère feutrée et intimiste dégagée par l'artiste on ne peut qu'adhérer au parti pris du concert. D'autant que les arrangements amplifient encore cette volonté de mettre en avant les mots : de longues notes de cordes vibrantes, quelques arpèges discrets de guitare ou de piano, des percussions comme des bruitages, une pulsion comme un battement de cœur. On a un peu l'impression d'être dans « Un homme et une femme »,  une bande son de film semblant toujours raconter la même histoire d'amour, parfois naïve, sauf qu'ici les héros sont souvent désabusés, spectateurs de leur propre infortune qu'ils traduisent par des choix de mots et d'intentions souvent en contre point.

C'est qu'Albin de la Simone joue constamment entre la douceur apparente de sa voix ou de ses mélodies et son côté grand adolescent lunaire rattrapé par la réalité. Dans son costume bleu un peu hors du temps, son personnage colle parfaitement à sa musique, Monsieur Loyal un peu délavé qui n'hésite pas à faire chanter d'une voix douce des insanités à ses musiciennes ou à orchestrer avec le public un choeur improvisé un peu absurde qui le fait rire lui même. Doucement et par petite touche, le chanteur nous conte ses histoires sans grandiloquence mais avec humanité et dérision, trouvant un écho chez tout un chacun, se racontant lui même pour mieux nous toucher.

            Avec des soirées de cette qualité à tous points de vue (mention spéciale aux techniciens pour la qualité du rendu du concert d'Albin de la Simone), la Source ne cesse de montrer son formidable travail pour la culture et la musique dans l'agglomération... On en redemande !

 

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